Nous étions huit à débattre autour du thème cette session :
l'influence des lecteurs sur le travail d'un auteur.Il est apparu que publier sur internet (blogs ou forums) se faisait dans deux buts principaux :
partager et
recevoir des conseils pour s'améliorer, ce second point primant sur le premier.
C'est une occasion de partager ses histoires lorsqu'on n'a pas forcément envie de se faire éditer, et un moyen de commencer à se rôder si l'on vise l'édition : recevoir et accepter la critique, avoir un premier lectorat "test", et prendre confiance en soi avant d'oser démarcher les éditeurs.
Et si, en effet,
les lecteurs ont inévitablement une influence, celle-ci peut être
involontairement néfaste : elle exacerbe le
perfectionnisme de certains auteurs, les poussant à vouloir sans cesse réécrire leurs chapitres publiés au lieu de continuer pour tout réécrire à la fin. Les réécritures successives amenant d'autres avis, au bout d'un moment, lassés de réécrire sans arrêt la même chose sans réussir à avancer,
les auteurs finiraient bloqués, allant parfois jusqu'à abandonner leur histoire le temps de souffler.
Ce besoin de réécrire avant même la fin du premier jet semble ne pas exister lorsque l'on écrit seul, sans personne. Ceux qui se risquent tout de même dans l'écriture "progressive" après avoir subi ce genre de blocage le font avec une certaine prudence, en travaillant sur une histoire moins importante ou en
travaillant sur eux-mêmes pour ne pas trop se laisser influencer.
Il suffit de
prendre un peu de recul pour pouvoir publier sur internet. À force d'expériences, on prend conscience de ce qu'on fait, de ses attentes et de ce que ça implique, en positif comme en négatif. Ce recul peut venir avec l'âge, lorsque ses problèmes dans la vie font passer ceux du net en second plan, tout comme il peut venir du
bêta-lecteur qui rappelle avec sagesse que, sur internet, le jugement qu'on va porter sur une histoire est différent de celui porté sur un livre. Par ailleurs, il est bon de se souvenir que nous ne sommes "que" des
amateurs, et que
les lecteurs en sont conscients. Ils n'attendront pas d'une histoire sur le net la même qualité qu'un roman qu'ils auront payé.
Une technique efficace qui a été mise en lumière au cours du chat a été de
se mettre à la place de nos lecteurs, de se demander ce que nous, nous attendons d'une histoire lorsque nous allons la lire. La réponse : se faire plaisir,
se détendre. Il est très rare que les participants au salon en viennent à critiquer une histoire, à moins que l'auteur l'ait expressément demandé ou s'ils en ressentent un grand besoin, parce qu'ils trouvent l'histoire prometteuse et ne souhaitent que la tirer vers le haut.
Remettre ainsi les choses en perspective permet de ne plus avoir cette
"peur" des lecteurs, ou du moins de la minimiser.
Si ce petit côté négatif de la publication sur internet peut être un frein pour ceux qui n'ont pas les épaules pour encaisser des critiques d'une virulence parfois inattendue, il s'est avéré que
les côtés positifs primaient largement lorsqu'il s'agissait d'analyser les relations entre lecteurs et auteurs.
D'une part, parce qu'une fois qu'on a expérimenté cette
abondance d'avis différents, on apprend à ne plus tomber dans les mêmes pièges : certains auteurs présents au salon de chat ont décidé de ne plus
publier que des histoires terminées, afin de ne pas être tentés d'interrompre l'écriture en cours de route ; d'autres commencent par s'entraîner à recevoir des critiques avec un projet moins important.
Dans tous les cas, il est indispensable de
réussir à faire le tri : différencier les critiques objectives (ça c'est incohérent par rapport à ce qui est dit là) des avis personnels (je trouve qu'il y a trop de romance / Kaspard n'est pas assez méchant) permet de ne garder le meilleur, ce qui sera bénéfique à l'histoire.
Tous les commentaires ne sont pas forcément bons à prendre en compte.Ainsi, même parmi les
critiques objectives, un autre tri est nécessaire, mais ce dernier se fait bien plus facilement pour les auteurs, car ils savent mieux que leurs lecteurs ce que deviendra leur histoire, ce qui est justifié ou non, ce qu'ils peuvent changer ou non. Et si un point apparemment incohérent trouve sa finalité bien plus tard dans l'intrigue, les auteurs n'en tiennent généralement pas compte. La seule chose à garder en tête alors est qu'en publiant chapitre par chapitre sur des durées de parfois plusieurs années, les lecteurs n'ont
pas la même vision d'ensemble qu'en lisant un livre. Leur jugement sur l'intrigue ne peut être complet tant que l'histoire ne l'est pas également.
Et parce qu'un auteur, ça tient à l'histoire qu'il a mis des mois à construire, il ne modifiera jamais complètement son intrigue sous l'influence de ses lecteurs. Toutefois, et c'est là le point le plus fort d'une relation entre eux, il arrive, souvent, que des commentaires d'apparence anodins ("ça manque de chauves par ici")
remettent en route l'imagination des auteurs.
Ainsi,
tous les participants du chat ont déjà rajouté des éléments, des personnages ou des actions, suite à
une inspiration soufflée par un lecteur, et ils sont tombés d'accord pour dire que
l'histoire ne peut que se bonifier grâce à eux. Certains points de leurs romans qui étaient encore un peu flous ont été fixés grâce aux analyses des lecteurs, certaines hypothèses ont mené à l'insertion de nouvelles choses.
De plus, le simple soutien de son lectorat permet de relancer l'imagination et la motivation : entourés de lecteurs enthousiastes, on ne peut qu'avoir
envie d'écrire toujours plus vite, même si cela peut mettre une certaine pression à quelques auteurs qui vont se blâmer d'un temps de publication qu'ils estiment indigne.
(ils parviennent toutefois à passer outre)La solution pour se
débloquer face à
la peur de décevoir ses lecteurs :
prendre un bêta lecteur. Une personne qui connaîtra l'histoire dans son ensemble, qui saura ce que l'auteur veut montrer et pourquoi. Ainsi, il pourra donner son aval sur chaque chapitre sans perdre de vue la finalité de tout ça, avec un regard plus objectif que celui de l'auteur. Sa présence aidera l'auteur à trier les conseils des lecteurs lorsqu'il est un peu perdu.
Enfin, à la question
"que pensez-vous de vos lecteurs ?", les participants sont tous tombés d'accord sur le fait qu'ils
les respectaient beaucoup, et qu'ils
les admiraient même pour le courage dont ils faisaient preuve pour lire et passer du temps pour tenter de les aider. Ils représentent
un réel soutien pendant des moments de doutes,
des interlocuteurs privilégiés lorsqu'il s'agit de discuter de notre histoire et de ses sentiments envers elles. Ils sont un moteur à la motivation, à l'inspiration, bref, même si les auteurs se mettent parfois la pression, les lecteurs leur sont grandement bénéfiques et, même, indispensables.
De belles amitiés se créent d'ailleurs suite aux longues conversations échangées, même si ces liens ne peuvent hélas se créer avec tous, a fortiori quand on en a beaucoup.
La conclusion de tout cela : les lecteurs sont nos amis (il faut les aimer aussi) et ne sont, à la base, pas là pour nous bloquer. Au contraire, ils sont bénéfiques aux auteurs capables d'encaisser leurs avis divergents et leurs critiques parfois acides. Il est important de réussir à prendre le recul nécessaire afin de ne pas se mettre une pression inutile tout seul. À partir du moment où l'on prend conscience que les lecteurs sont là pour nous, seul le meilleur (ou presque) peut arriver.
Pour ça, il suffit de penser à ce que nous attendons, nous, en tant que lecteur, pour remettre les choses en place.
N'hésitez pas à réagir !