Emmitouflé dans son manteau noir, Tristan entrouvrit la grille d’entrée du cimetière, juste suffisamment pour passer, puis la referma derrière lui. À mesure qu’il s’avançait dans l’allée principale, il entendait la girouette de la maison du fossoyeur grincer à cause des courants d’air. L’enterreur s’appelait Alexandre Funéraire : son nom avait marqué Tristan quand il l’avait entendu aux obsèques, en le trouvant plutôt cocasse au vu du métier qu’il exerçait.


Certains venaient se recueillir et raconter les derniers évènements de leur vie, ou demander conseils aux défunts, comme si ces derniers les entendaient et pouvaient leur répondre. Mais leur comportement n’était pas universel, et Tristan ne faisait pas parti de ces gens. A vrai dire, il ne savait pas ce qu’il recherchait en allant sur la tombe de son grand-père.


Peut-être y allait-il simplement pour avoir l’occasion de méditer ailleurs que sa maison abandonnée ; ou pour se rappeler que le jeu de la vie ne consistait qu’à finir en poussière.


Ce matin en sport, certaines filles sont venues courir avec moi. Une m’a fait un croche-pied, je suis tombée par terre et j’ai eu deux ou trois écorchures aux genoux ou aux bras. La prof ne m’a pas crue, et les filles ont commencé à m’accuser de mentir. Il y a que Datsan, l’Américain en échange linguistique, qui m’a défendu… Il avait vu la scène parce qu’il courrait derrière nous.


Qui résonnent dans ma cathédrale d’ombres (c'est un vers)


Tristan ne disait rien. Un sentiment de vengeance enflammait son cœur : comment pouvait-on faire cela à Ornella ?

Robyn soupira doucement, mais il se força à sourire à son supérieur. Il le savait, la peur de l’inconnu était universelle, et cela ne servait à rien de tergiverser sur sa future mission.

Depuis qu'il était à Tar-Minyatur, il avait l'impression d'être devenu une girouette à force de se tourner vers chaque personne lui apprenant une nouvelle chose abracadabrante.

Ibasdal et Manalitä étaient donc bons pour quatre jours à se laisser porter par les courants au-dessus des océans jusqu'à l'île des draco magnus.

Puis ce fut au tour de Blake, qui choisit d'enflammer son corps de manière théâtrale.

- Je m’en serais bien passé, marmonna Robyn. C’est surtout l’idée d’être tout seul là-bas, c’est assez angoissant.
- Je comprends. J’étais angoissé moi aussi. Mais finalement, tout s’est très bien passé. Et tout se passera très bien, tu verras. Le jeu en vaut la chandelle.

Le Temple de Tirith était non loin du palais et faisait penser à une cathédrale gothique terrienne.

Ton apprentissage à Brésol contribue à entretenir cette bonne entendre, d’ailleurs, et les échanges commerciaux aussi.

Entre cet amas d'artefacts biscornus se tient une trentaine de personnes, silencieuses, attentives au récit que leur narre un petit brun dans la vingtaine à la coupe de cheveux approximative. Enjoué, le jeune homme s'agite devant son auditoire, s'enflamme à chaque nouvelle diapositive qu'il projette sur la porte fermée au fond de la salle.

— Maintenant que nous avons retracé l'histoire de ce charmant petit bourg, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet : la sinistre légende qui entoure notre fameuse cathédrale Notre Dame des Oiseaux.

Des échanges de regards glissent entre les membres de l'assistance. Ils trépignent d'impatience. C'est devenu un rituel. Chaque premier dimanche du mois, tous les aficionados de l'Etrange se réunissent au Surnatéum pour écouter Gabin Perrin leur conter ses drôles d'anecdotes.

Pour notre gentil conférencier, ces exposés mensuels sont devenus un jeu. Celui d'attirer un peu plus de monde à chaque séance.  Ça flatte son ego et amuse beaucoup sa fiancée. Il jette d'ailleurs un œil dans sa direction [...]

Gabin sent une onde lui remonter l'échine, un courant délicieux. Il relève le nez, observant Cassandre [...]

— Au petit matin, cependant, alors que les premiers rayons du soleil caressaient la toiture de la cathédrale…il change de diapositive, un zoom sur le beffroi…l'énorme girouette de métal se décrocha du clocher et, dans un fracas immense, traversa les tuiles, la charpente et tout le reste pour venir s'écraser sur l'autel qui se brisa net.  

[...]

— Postulat universel, facile. Une grosse bête un peu menaçante sort de nulle part, hop, c'est un chien de l'Enfer [...]

Emmitouflé dans son manteau noir, Tristan entrouvrit la grille d’entrée du cimetière, juste suffisamment pour passer, puis la referma derrière lui. À mesure qu’il s’avançait dans l’allée principale, il entendait la girouette de la maison du fossoyeur grincer à cause des courants d’air. L’enterreur s’appelait Alexandre Funéraire : son nom avait marqué Tristan quand il l’avait entendu aux obsèques, en le trouvant plutôt cocasse au vu du métier qu’il exerçait.


Ce matin en sport, certaines filles sont venues courir avec moi. Une m’a fait un croche-pied, je suis tombée par terre et j’ai eu deux ou trois écorchures aux genoux ou aux bras. La prof ne m’a pas crue, et les filles ont commencé à m’accuser de mentir. Il y a que Datsan, l’Américain en échange linguistique, qui m’a défendu… Il avait vu la scène parce qu’il courrait derrière nous.

- Tu as laissé beaucoup de gens derrière toi ? demanda Maxwell. Sur Terre je veux dire.
- Pas vraiment. Mon imbécile de beau-père, surtout. Il ne me manquera pas, ce con. Euh, désolé Faniyael, cet idiot. Mais à part lui ... Depuis que j’ai fini le lycée, je n’ai plus vraiment de contacts avec mes amis. Si, il y avait un de mes collègues à la supérette, Tristan, on s’entendait bien, même s’il n’était pas super bavard. Enfin voilà, mes fréquentations se résument à un beau-père alcoolique et un collègue un peu austère.

- J’ai cru que je ne les trouverais jamais, soupira Abby en se laissant tomber sur le fauteuil. Ils étaient au Temple, mais j’ai dû passer par le cimetière, et le gardien, vous savez, Alexandre, m’a harponnée pour discuter.
- Oh oui, c’est celui qui est beau ? gloussa Faniyael en portant une main à sa bouche.
Blake lui lança un regard furieux.
- Eh ! protesta-t-il. Je suis là, je te rappelle.
Abby haussa un sourcil et croisa les bras sur sa poitrine.
- Ce n’est pas parce qu’on est au régime qu’on ne peut pas regarder le menu, répliqua-t-elle. Et oui je confirme Fan, celui qui est beau.

Tout à son inattention, Alexandre ne voit pas pas les deux cyclistes qui se baladent tranquillement le long de la nationale.

— Attention ! S'égosille Claire.

Il les doublent de justesse, en frôle un du bout de son rétroviseur.

— Mais arrête-toi ! ARRÊTE-TOI ! Braille toujours aussi fort la jeune fille.
— Pourquoi faire ? S'enquiert le fossoyeur, confus.
— Tu as failli écrasé ces deux pauvres gamins ! La moindre des choses c'est de voir comment ils vont et de s'excuser.

Alexandre arque un sourcil, témoin de sa perplexité. Les gamins en question ont tout de même l'air relativement adulte et il ne les a pas blessés !

— Arrête-toi !

Il pile, soupire d'impatience et s'extrait maladroitement du véhicule tandis que la médium en jaillit prestement.

— Ca va, Tristan ? Entend-t-il.

Ce sont deux ados. Qu'est-ce qu'ils foutent là aussi ? Il faut être inconscient pour pédaler sur une route aussi fréquentée.
À quelques mètres, Claire se confond en excuses. Elle doit leur faire un bel effet, aux minots, avec ses cheveux hirsutes, son visage tout rouge et sa couronne de fleurs de traviole.
Gabin est également sorti, un coude nonchalamment appuyé sur le toit de la berline.

— C'est dommage, à dix centimètres près je n'étais plus le seul meurtrier de la bande, ricane-t-il, les yeux rivés sur les deux gosses : un garçon – Tristan donc – et une petite demoiselle.

Alexandre le fusille du regard, ce qui le fait encore plus marrer.

— Ils sont perdus, explique Claire en revenant vers eux. Ils cherchent la forêt de Pimpouin, une histoire de promenade dominicale, je n'ai pas tout saisi. Leurs propos étaient un peu embrouillés, ils sont encore sous le choc. Vous savez où c'est Pimpouin ?

Les équipes donnaient tout ce qu’elles avaient pour remporter la victoire. Elles ne s’arrêtèrent que lorsque la fin du match fut annoncée. Les perdants serrèrent les mains des vainqueurs qui se dirigèrent tous vers un homme que Télémaque n’avait pas encore remarqué et ce, malgré sa carrure imposante.
Comme s’il s’agissait de leur Empereur, tous se prosternèrent avec respect devant lui.
- Il s’agit de leur entraîneur, on l’appel tous Chief. Il était le plus doué à ce jeu dans sa jeunesse et fait profiter de son expérience au plus jeune, répondit Xochitl avant même qu’il pose sa question.
- Que gagnent-ils ?
- Le respect de l’empereur. Et celui du peuple.
Télémaque regarda plus attentivement l’entraîneur. Il n’avait rien à envier à Don Aguila pour la taille, dépassant Télémaque d’au moins deux têtes. Cependant, contrairement à son ancien supérieur, les muscles, bien que présent, étaient moins visibles dû à son manque d’exercice depuis plusieurs années. Son visage arborait un grand sourire, satisfait de la victoire de son équipe. Mais à peine eurent-ils salué la foule, qu’on put entendre Chief leur imposer un nouvel entraînement le soir même, les scores ayant étaient trop proche à son goût.
Le joueur infatigable n’écouta pas son entraîneur jusqu’au bout. Il préféra se diriger vers la foule pour recueillir leurs offrandes. Toutes les jeunes filles présentes dans la foule crièrent son nom à son approche. De toute évidence il s’agissait de la vedette de l’équipe. Toutes, sauf peut-être Xochitl, auraient tué pour avoir ne serait-ce qu’un regard de sa part.
- Totoquilhuatztli ! crièrent-elles en cœur.
Il était vrai que ce Totoquilhuatztli était plutôt joli garçon. Grand et musclé, le soleil faisait briller son torse encore en sueur, sublimant la couleur brune de sa peau. Ses cheveux étaient relevés révélant ses grands yeux sombres à toutes celles qui le contemplaient.
- Pourquoi ne cries-tu pas son nom toi aussi ? se moqua Télémaque en regardant Xochitl qui ne s’extasiait pas devant le bel athlète.
Cette dernière se mit à rire. Un rire comme Télémaque n’en avait encore jamais vu entre ses lèvres. Ses yeux brillaient, ses cheveux volaient au gré de la brise et pour une fois elle semblait réellement être à l’aise.
- Il s’agit de l’ami de Patli, chuchota-t-elle. Ils n’ont pas le droit de révéler leur relation, alors pour brouiller les pistes, ils charment ses admiratrices.
N’étant pas habitué aux relations entre hommes, cela étant contre nature pour lui, Télémaque fut véritablement choqué par ses propos.

Ce dernier fit rouler son fauteuil jusqu’à côté de Moira pour voir lui aussi l’écran de télévision.
— C’est le match de mon lycée, répondait l’adolescente après avoir bu quelques gorgées d’eau.
— Pourquoi t’es pas là-bas, en train de sautiller en agitant des pompons ?
— Déjà, c’est vachement plus compliqué que ça d’être pom-pom girl, rétorqua-t-elle en lui assenant une pichenette sur la tempe. Ensuite, devine - elle leva la boîte de mouchoirs en évidence.
[...]
— Mon frère te fait faire du baby-sitting dans cet état ?
— Bah, je suis coincée ici, autant que ça serve à quelque chose. Eh, c’est mon pote Bryan qui a le ballon !
Pete pencha légèrement la tête sur le côté en suivant le joueur sur l’écran.
— Rappelle-moi, Bryan, c’est celui avec les abdos ou c’est la tapette ?
— C’est pas une tapette ! Enfin… si, oui, c’est une tapette.
Elle lui donna une bourrade sur l’épaule.
— Mais ça t’arracherait pas la bouche de juste dire « homo ». Et c’est un super pote.
— C’est sûr que s’il aime les garçons, ça vous fait au moins un solide point commun.
Elle tira la langue et il lui sourit.

- Aller un dernier tour et on a terminé, nous lança Bryan, plein de motivation.

Même si on était toutes les trois reconnaissantes qu’il nous pousse tous les dimanches à nous geler le derrière dans Central Park, à ce moment précis, je lui aurais volontiers écrasé les yeux à la manière de la Montagne dans Game of Thrones. J’avais un point de côté et une affreuse envie de vomir. Je ralentissais la cadence, mais Bryan le remarqua de suite et il se mit derrière moi pour me pousser à continuer.

- Aller on se motive, il ne reste plus grand chose, allez Haylee !!
- Je peux pas, dis-je en baissant les bras.
- Tu sais ce que Chief disait toujours…
- Mais laisse Chief dans son Texas profond, dis-je à bout de souffle.
- Ne t’arrête pas quand tu as mal, arrête - toi quand tu n’en peux plus.

Je ralentissais encore un peu, posais une main sur mon estomac et finis par vomir l’intégralité du maigre petit déjeuner que j’avais réussi à avaler ce matin.

- Ça va ? me demanda Bryan inquiet. On n’a pourtant pas trop forcé sur le jogging ce matin.
- Si je ralentis, c’est que je n’en peux plus.
- Tiens, bois de l’eau, me dit-il en me tendant sa gourde.

Quand il ne pouvait éviter ces artères, il recueillait ces phrases perdues, que l’on prononçait et oubliait si vite. Le silence lui manquait, mais son audition était aussi désireuse de bruits. Alors elle amassait les sons, les voix, les promesses et les perfidies, les pardons. Tristan n’était déjà plus qu’un pantin au service des caprices de son propre corps.
« Rooh, t’as vu ? Y’a l’auteure des Chroniques de Tarka, Runes, en dédicace à la librairie. C’est génial ! »
« Tiens, hier à la salle de sport, j'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait ! Tellement parfaits qu’ils étaient à vomir, surtout. »
« Tata, tata ! tu peux m’acheter ça s’il te plait ? promis je sera sage »
« Morgane ! Ooh c’est ton nouveau bout de chou ? Il est tout petit ! »
« Je t’aime. »
« Je t’déteste ! »
« Je t’aime. Je t’aime. »

La télévision diffusait une émission de téléréalité débile dont Marine n’avait même pas saisi le concept. Une fille d’une vingtaine d’années, aux cheveux blonds décolorés, au maquillage sorti tout droit du rayon peinture de Leroy Merlin et aux seins fort généreux, faisait face à la caméra pour raconter quelques ragots insignifiants.
- Non mais je vous jure ! disait-elle, la voix haut-perchée. J'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait ! À croire qu’ils étaient faits l’un pour l’autre.
Marine regardait l’écran d’un œil torve. Il ne faisait aucun doute que ce couple aurait rompu au prochain épisode.

Marvin sourit bêtement. L'excitation commençait à sérieusement le gagner. Tirant sur sa manche, Dorian interrompit la sarabande bouillonnante qui prenait possession de lui et lui désigna un gigantesque panneau publicitaire. On y voyait une mannequin très belle, très jeune, très blonde et délicatement bronzée s'exclamer : « j'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait ! » L'image disparut dans un fondu enchaîné et les contours de deux boîtes de gélules se tracèrent. La première, destinée aux femmes, assurait minceur et peau sans capitons, la seconde, pour les hommes, assurait une prise de muscles fulgurante. En grosses lettres bariolées s'inscrivait ensuite « Testés scientifiquement, Mary Sue et Gary Stu, les comprimés qui feront de votre couple, le couple parfait. »

Tous c’était reculé devant les deux animaux que la marchande avait ficelés tant bien que mal pour éviter qu’ils ne s’échappent. Xochitl regarda plus attentivement : on aurait dit deux lézards, d’énormes lézards, recouverts d’écailles avec des dents plus pointues que celles d’un jaguar. Xochitl n’avait jamais vu ces animaux, mais elle savait qu’elle n’en voulait pas près d’elle.
Lorsqu’elle leva les yeux vers la Totonaque, celle-ci la fixait.
Elle avait un regard espiègle, de longs cheveux châtain lui tombaient jusqu’à la poitrine, camouflant de nombreuses cicatrices, que Xochitl devina faite par les bêtes aux dents acérées. Elle s’avança vers la jeune aztèque, une lame tranchante a la main et lui dit en souriant :
- Adoptez, adoptez un joli Gator !
Xochitl recula d’un pas et se heurta à la personne derrière elle sous la surprise. Tous regardaient l’échange, attendant de voir si quelqu’un oserait approcher ces animaux si singuliers.
Alors que la Totonaque levait sa lance vers le ciel et répétait sa phrase, une jeune fille, qui devait avoir le même âge que la jeune femme a la lance, s’avança vers cette dernière, d’un air découragé.
- Donne moi ça Mio ! Tu vas finir par empaler quelqu’un par erreur !
La dénommée Mio regarda sa lance puis sa camarade.
- Tu as raison Marv, mieux vaut ne pas faire d’incident diplomatique le jour de notre arrivée ! dit-elle en lançant son arme à son amie.
Son amie, plus agile qu’il n’y paraissait, attrapa la lance et la planta dans le sol. Elle semblait avoir l’habitude du comportement de son amie et ne s’en formalisait pas. Elle marcha entre les deux animaux saucissonnés sans craindre qu’ils ne lui dévorent les pieds et rejoignit Mio.
Marv était plus petite que Mio d’une tête au moins mais avait le même regard espiègle. Ses cheveux, châtains également, lui tombaient sur les épaules, lui cachant à elle aussi de nombreuses cicatrices.
- Veux-tu un Gator ? demanda Marv à Xochitl, toujours pétrifiée.
Elle fit signe que non de la tête, ne parvenant pas à parler.
- Que sont ces animaux ? Où les avez-vous trouvé ? demandèrent les autres villageois.
- Nous les avons attrapé au nord du pays ! Juste avant le territoire Indien, leur appris Marv.
- Ils ne sont pas simple à attraper mais feront de bon protecteur si jamais vous les attachez devant chez vous, poursuit Moi.
- Ne sont-ils pas trop imprévisibles ? réussit à demander Xochitl, fixant les yeux du Gator qui semblait examiner toute la scène.
- Non, non ! Ils ne vous feront rien ! lui assura Mio. Je peux vous le prouver !
Sur ces mots, elle sortit un poignard de sa ceinture et trancha les liens qui retenaient un des Gators. Toutes les personnes s’éloignèrent d’un même mouvement, certain montèrent même les marches du Templo Mayor pour éviter la bête. Seule Xochitl n’eut pas le temps de bouger, l’animal se précipita sur elle. Elle crut qu’elle allait se faire dévorer lorsqu’une lame se planta dans la gueule de l’animal.
Le cœur de Xochitl était au bord de l’explosion. Elle ne remercia pas la personne qui venait de lui sauver la vie, ni ne la regarda. Le monde autour d’elle devint noir et elle sombra.

Après la naissance des jumeaux, je me retrouvais souvent seule à la maison à m’endormir devant Netflix sur le canapé, pendant leur sieste. Mais cet après midi là, je me réveillais en sursaut puisque dans ma télé le héro du film que je regardais, ou plutôt qui me regardait dans ces circonstances, se mit à brailler: “Adoptez, adoptez un joli Gator”.

- Mais qu’est ce que c’est que ce film! m’écriais-je.

Je vérifiais rapidement que les jumeaux n’aient pas été réveillés par l’autre imbécile de la télé avant d’allumer mon ordinateur, j’avais envie d’écrire un peu, chose que je n’avais plus fait depuis un petit moment. Je tentais donc de me connecter sur le forum de Génération Écriture, où je n’avais plus mis les pieds depuis un petit moment. Je faisais un rapide tour de ce qui avait été posté et me rendais compte que la Chat Box n’était pas vide comme je l’avais imaginé à ce moment de la journée. Mio et Capà Mèo s’y trouvaient.

“Coucou les filles! Ca fait un bail!”

« J’espère que cette fille a compris…
— Je ne voulais pas que… »
Ils se regardèrent, interdits, méfiants.
« Quoi ? Qu’est-ce que tu voulais que je fasse ? Je pouvais pas te laisser te faire insulter comme ça, devant moi…
— Mais t’as empiré la situation, idiot ! Déjà que Melany m’a vu avec toi, et toi en plus t’en as rajouté une couche ! T’imagines pas ce qu’elle va vouloir faire pour se venger. »

Quand il ne pouvait éviter ces artères, il recueillait ces phrases perdues, que l’on prononçait et oubliait si vite. Le silence lui manquait, mais son audition était aussi désireuse de bruits. Alors elle amassait les sons, les voix, les promesses et les perfidies, les pardons. Tristan n’était déjà plus qu’un pantin au service des caprices de son propre corps.
« Rooh, t’as vu ? Y’a l’auteure des Chroniques de Tarka, Runes, en dédicace à la librairie. C’est génial ! »
« Tiens, hier à la salle de sport, j'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait ! Tellement parfaits qu’ils étaient à vomir, surtout. »
« Tata, tata ! tu peux m’acheter ça s’il te plait ? promis je sera sage »
« Morgane ! Ooh c’est ton nouveau bout de chou ? Il est tout petit ! »
« Je t’aime. »
« Je t’déteste ! »
« Je t’aime. Je t’aime. »

- Peut-être ... Je me rappelle de toutes les personnes que j’ai menacées, je ne peux pas m’en empêcher. Il y avait ces trois filles, au clan du Faucon. Je me rappelle encore de leurs noms. Runes, Azazou et Morgane. Des sœurs, les filles de Jar, le chef du clan. Lord Angel voulait que je les tue pour l’exemple. Pour montrer que quiconque refusait l’autorité du roi des clans de l’Ombre aurait de sévères répercussions. Je me suis retrouvé face à ces trois filles, elles étaient encore des enfants. Quoique, elles ne devaient pas être bien plus jeunes que moi, en fait. Elles avaient l’air terrorisé. J’étais devant elles, avec un simple couteau. Tout aurait été tellement simple. Mais je n’ai pas pu m’y résoudre. J’ai préféré leur faire peur avec mes pouvoirs et je les ai laissé fuir. Lord Angel n’avait jamais été aussi furieux. Il m’a fait payer le prix fort, j’en ai encore les cicatrices dans le dos.

L'une d'elle, la cinquantaine délicate, affublée d'une choucroute flamboyante posée aléatoirement au sommet du crâne, ne cessait de raturer des morceaux de parchemin. Sa longue plume ambrée dansait sur le support de bois qu'elle calait contre sa poitrine. Un pot d'encre flottait dans l'air à côté d'elle et sur son épaule, un hibou, haut d'une quinzaine de centimètres, somnolait. Une bague en métal enserrait sa patte gauche, bague au bout de laquelle pendait une étiquette jaunie, cornée, qui indiquait : « Azazou, propriété du Hochet Loquace, agence de gardes d'enfants sur-mesures pour sorciers trop occupés. » C'était un petit-duc scops, une boule de plumes cendrées pourvue de deux imposantes billes jaunes en guise d'yeux.

[...]

La fillette, son tutu rose virevoltant au rythme de ses bonds hystériques, pointait du doigt une personne à l'autre bout de la galerie.

— C'est Melany ! Melany la Bigotte ! Elle travaille pour Sorcière Hebdo ! C'est elle qui gère la section musique. Elle a couvert l'intégralité de la tournée des Bizarr' Sisters il y a cinq ans. C'est une pointure dans le domaine. Tous les musiciens redoutent sa critique. Par les slips sales de Merlin ! Je n'en reviens pas de la voir en vrai. Je veux être elle plus tard. Dis, Marvin, tu crois que papa et maman seront d'accord pour que je devienne reporter musical, hein ?

[...]

Opposée au débit de boisson se dressait la scène, haute, décorée de tentures noires, les instruments des musiciens déjà installés, prêts à l'emploi.

— C'est PtitMo ! Rugit Harmony, se précipitant devant l'estrade, les doigts toujours vissés à ceux de Marvin qui fut contraint de suivre le mouvement. Nom d'une grenouille putréfiée ! Tremlett va jouer avec PtitMo ce soir !

Marvin fronça les sourcils, légèrement perdu.

— C'est comme ça que Donaghan a baptisé sa basse favorite, triple andouille ! Le rabroua sa sœur, honteuse de son ignorance crasse. C'est avec cette basse qu'il a commencé sa carrière et avec cette basse qu'il a composé la mélodie de Magic Works ! Et c'est également en grattant aléatoirement des notes sur PtitMo que lui sont venus les paroles de Do the Hippogriff ! Mais comment ne peux-tu pas savoir ça ? Cet instrument est mythique, Marvin. Roh ! Dorian, dis-moi que toi, au moins, tu connais l'histoire de cette basse ?

Les courses d’hippocampes étaient prises à tel point au sérieux que ceux qui étaient déjà là étaient soit ceux qui ne possédaient plus de sable menfin, soit ceux qui se rendaient à la course uniquement parce que c’était un moyen de profiter d’une vie sociale qui n’était pas polluée par les habituels conflits. Les jours de courses, l’ambiance générale était à l’euphorie, ce qui signifiait qu’avant le début de la course, les Coraillades pouvaient tous discuter les uns avec les autres sans craindre de remontées négatives.

- J'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait, pépia une des elfes des coraux, orange et bleu, à l’adresse de sa voisine.

Nylu la connaissait, et savait que son babillage joyeux n’avait rien à voir avec l’euphorie du sport. C’était une elfe à la bonne humeur qu’aucun de ses compatriotes ne pouvait jamais entamer – et qui possédait le superpouvoir de vider la Coraillade de la Princesse de l’Eau de toute son énergie vitale.

Au bout de quelques instants, les ragots de la commère se muèrent en petites exclamations de ravissements. Nylu tourna la tête, et sa chevelure devint violette avant même qu’elle ne sente la rage l’envahir.

Ethan, le seul Coraillade à n’être que d’une seule et unique même teinte – il prétendait toujours être d’un noir clair et d’un noir foncé, mais personne n’avait jamais été en position de prouver qu’il disait la vérité – se promenait toujours sans prononcer le moindre mot jusqu’au moment où quelqu’un lui adressait la parole. A partir de là, il n’y avait plus aucun moyen de le faire taire. Il nageait partout où Nylu ne voulait pas le croiser en se donnant un air ténébreux et inaccessible comme si personne ne réalisait à quel point il jouait la comédie.

La Princesse s'approcha doucement d'Aiden, lui attrapant gentiment le bras comme s'ils se connaissaient depuis toujours alors que ce n'était certainement pas le cas. Pour qui elle se prenait ? Cela ne faisait que quelques heures qu'ils discutaient autour de verre de vin.
─ J'ai rencontré Mary Sue et Gary Stu, un couple parfait. Cependant, je suis sûr qu'il est possible d'être plus parfait encore. Après tout, vous êtes un charmant Prince, et moi, une...
─ Tiens, je crois que ton verre est vide, Aiden ! Permets-moi de le remplir. Coupa Loan, ne pouvant décidément pas la laisser faire ce qu'elle voulait.
─ Eh bien...
Aiden ne semblait plus trop savoir où donner de la tête, le pauvre.

La présentation des différents candidats commença avec Yuyu. Yuyu était un hippocampe habitué des courses. Cela faisait depuis le début de la vie de Nylu que l’hippocampe pourpre participait tous les mois aux courses sans jamais faiblir. Il n’arrivait jamais premier, mais il ne finissait jamais dernier non plus. En réalité, même si tous les Coraillades savaient très bien qu’il s’arrangeait toujours pour arriver pile à la place du milieu, pour une raison incongrue, un bon nombre d’entre-eux continuaient de parier sur lui uniquement par affection. C’était un peu la mascotte de la course.

En tout cas, pensa Nylu, cela restait la mascotte de la course jusqu’à ce qu’elle se fasse détrôner en terme d’affection. Et elle croyait dur comme fer que c’était la dernière course que Yuyu réaliserait en étant le préféré. Celui-qui-avait-rencontré-une-sirène reprendrait bien vite la place qui lui revenait de droit.
Le second candidat n’était ni plus ni moins que Kallisto. C’était un sérieux adversaire, Nylu, malgré sa fierté et sa vergogne, était bien obligée de le reconnaître. Kallisto avait déjà remporté plusieurs fois la course, et à chaque fois, c’était lors d’une course où personne n’attendait plus rien de lui. Oui, les hippocampes pouvaient tomber malades et se tordre l’abdomen comme tout un chacun.

Le troisième candidat, quant à lui, était Jin D’arraborr. Il était arrivé dans le récif des Coraillades depuis cinq ans, et dès lors, il participait à une course sur trois. Il avait fallu trois ans à Nylu avant de réussir à prononcer son nom correctement, et quatre ans avant de parvenir à l’écrire sans faire de fautes. Il était furtif et sa peau couleur argile empêchait complètement de le distinguer de la piste, ce qui causaient les autres hippocampes à se méprendre sur sa position.

Il était encore assez jeune, mais il avait du talent. Il avait gagné pour la première fois une course le mois précédent, ce qui avait poussé de nombreux elfes des coraux à miser sur lui.

La compétition n'avait pas débutait que la salle était déjà à son comble. Un instrument de musique jouait de ses cordes, seul, dans un coin. On aurait dit une harpe avec diverses gravures ainsi que « Lyra » inscrit sur l'un de ses flancs. Loan se tourna vers son ami pour avoir un peu plus d'information, lui qui s'y connaissait si peu.
─ Il s'agit d'une harpe ou d'une lyre ?
─ C'est un mixte entre les deux, en réalité.
─ Oyé, oyé ! Cria un homme tout en s'avançant au coeur de l'assemblée.
Les deux princes se tournèrent dans sa direction pour comprendre ce qui se tramait et virent un tapis rouge se dérouler jusqu'au centre de la pièce, forçant les invités à se séparer en deux groupes distincts.
─ Veuillez laisser passer notre bien heureux roi, Jin d'Arrabborr !
Loan ne connaissait absolument pas ce nom et un homme gracieux s'approcha, l'air fier de porter sa couronne un peu trop grosse pour sa tête. Une fois rendu au bout du tapis, il sortit une coupe de son manteau de velours et le pointa vers le ciel.
─ Avec ce Kallisto, j'annonce officiellement l'ouverture du concours de danse.
Son majordome applaudit avec énergie et le reste de l'assemblée se sentit forcée de faire de même. Personne ne semblait savoir qui était réellement ce « roi ».